Quand emprisonnement rime avec confinement
Emprisonnement avec sursis : Qu’en est-il réellement?
Le processus de détermination de la peine est l’un des plus complexe pour un juge œuvrant en chambre criminelle. Celui-ci doit, en fonction de nombreux principes, décerner à l’accusé la peine la plus appropriée[1]. Il doit prendre en compte la dénonciation du comportement illégal, la dissuasion des délinquants, l’isolement du délinquant, la réinsertion sociale de celui-ci, la réparation des torts causés et susciter une conscience chez l’accusé de leurs responsabilités. Ainsi, la peine n’a pas toujours un aspect uniquement « punitif » et peut favoriser la réinsertion sociale, tout en s’assurant que l’inculpé soit puni.
La sentence rendue par le juge peut prendre différentes formes, passant d’une absolution à une sévère peine d’emprisonnement. Depuis quelques années, l’une d’elles fait l’objet de nombreuses critiques, notamment au niveau gouvernemental. L’emprisonnement avec sursis, instauré en 1996, a subi d’importantes modifications dans les dernières années. Le gouvernement Conservateur, en plus d’ajouter bon nombre de peines minimales à différentes infractions au Code criminel, a limité grandement la portée de l’emprisonnement avec sursis en ajoutant des conditions de plus en plus restrictives pour son application.
L’emprisonnement avec sursis est en soi une peine de prison que l’inculpé pourra purger à la maison, assortie de conditions restrictives et subordonnées aux vérifications effectuées par un agent de surveillance pour s’assurer que celui-ci est bel et bien à la maison et qu’il respecte ses conditions.
Pour mieux comprendre l’application et la portée de cette peine, nous vous tracerons un bref portrait de son évolution et des changements subis. Par la suite, nous pourrons vous présenter, en temps réel, dans quelle situation les juges peuvent accorder une telle peine à un inculpé. Également, nous vous présenterons les nombreuses particularités qui peuvent accompagner une ordonnance d’emprisonnement avec sursis.
Évolution ou régression?
À la fin des années 90, la préoccupation sociale de l’efficacité des sentences d’emprisonnement[2] – à titre éditorial, cette préoccupation est encore d’actualité aujourd’hui et bien que la détention se doit d’être la dernière alternative, nous faisons toujours face à des prisons et des pénitencier surpeuplés – a entraîné une réforme du Code criminel. C’est le 3 septembre 1996, avec l’entrée en vigueur de la Loi modification le code criminel (détermination de la peine) et d’autres lois en conséquence[3], que l’emprisonnement avec sursis a vu le jour et permettait maintenant à la magistrature de punir le délinquant avec, communément appelée, de la prison en collectivité.
À cette époque, les conditions devant être remplies pour permettre son application étaient au nombre de trois :
- L’infraction perpétrée n’est pas greffée d’une peine minimale d’emprisonnement
- Le délinquant a été condamné à un emprisonnement de moins de deux ans
- Le recours à cette disposition ne met pas en danger la sécurité de la collectivité[4]
Bien entendu, les principes de la détermination de la peine devaient être pris en compte par le juge lorsqu’il rendait sentence[5].
En 2007, la disposition qui prévoyait l’emprisonnement avec sursis a subi ses premières modifications. Cette peine faisait l’objet de nombreux débats politiques et même de promesses électorales, les élus voulant la modifier voire même l’abolir. C’est ainsi qu’en 2007, l’article 742.1 interdisait maintenant l’utilisation de l’emprisonnement avec sursis pour une infraction constituant des sévices graves à la personne au sens de l’article 752, à l’infraction de terrorisme ou une infraction d’organisation criminelle.
La notion de sévices graves à la personne se définit comme suit :
- Les infractions – la haute trahison, la trahison, le meurtre au premier degré ou au deuxième degré exceptés – punissable par mise en accusation, d’un emprisonnement d’au moins dix ans et impliquant :
- Soit l’emploi, ou une tentative d’emploi de la violence contre une autre personne
- Soit une conduite dangereuse, ou susceptible de l’être, pour la vie ou la sécurité d’une autre personne ou une conduite ayant infligé, ou susceptible d’infliger, des dommages psychologiques graves à une autre personne
- Les infractions ou tentatives de perpétration de l’une des infractions visée aux articles 271 (agression sexuelle), 272 (agression sexuelle armée, menaces à une tierce personne ou infliction de lésions corporelle) ou 273 (agression sexuelle grave)
Cette notion a été interprétée à de nombreuse reprises par les tribunaux canadiens. Celle à retenir et appliquée actuellement en chambre criminelle est que « dès le moment où il avait employé ou tenté d’employé la violence contre une autre personne, ou dès qu’il avait adopté une conduite dangereuse pour la vie ou la sécurité d’autrui les conditions posées par le législateur étaient remplies »[6]. Ainsi, les juges ne pouvaient pas évaluer le degré de violence lors de la commission de l’infraction.
Les critères établis en 1996 demeuraient bien évidemment en vigueur. Ainsi, on venait resserrer l’application de l’emprisonnement avec sursis, qui lors de son adoption, visait à lutter contre l’inefficacité reconnue des peines de détention[7].
Cinq ans plus tard, le gouvernement conservateur frappait de nouveau. Déjà restreinte avec les changements de 2007, l’application de l’emprisonnement avec sursis s’est vue limitée de façon considérable. Encore aujourd’hui, le sursis s’applique selon les modifications apportées en 2012 par la Loi sur la sécurité des rues et des communautés[8].
Portée actuelle de l’emprisonnement avec sursis
L’article 742.1 du Code criminel se définit comme suit :
Le tribunal peut ordonner à toute personne qui a été déclarée coupable d’une infraction de purger sa peine dans la collectivité afin que sa conduite puisse être surveillée – sous réserve des conditions qui lui sont imposées en application de l’article 742.3 – si elle a été condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans et si les conditions suivantes sont réunies :
- Le tribunal est convaincu que la mesure ne met pas en danger la sécurité de la collectivité et est conforme à l’objectif essentiel et aux principes énoncés aux articles 718 à 718.2
- Aucune peine minimale d’emprisonnement n’est prévu pour l’infraction
- Il ne s’agit pas d’une infraction poursuivie par mise en accusation et passible d’une peine maximale d’emprisonnement de quatorze ans ou d’emprisonnement perpétuité
- Il ne s’agit pas d’une infraction de terrorisme ni d’une infraction d’organisation criminelle poursuivies par mise en acccusation et passible d’une peine maximale d’emprisonnement de dix ans ou plus
- Il ne s’agit pas d’une infraction poursuivie par mise en accusation et passible d’une peine maximale d’emprisonnement de dix ans et selon le cas :
- Dont la perpétration entraîne des lésions corporelles
- Qui met en cause l’importation, l’exportation, le trafic ou la production de drogues
- Qui met en cause l’usage d’une arme
- Il ne s’agit pas d’une infraction prévue à l’une ou l’autre des dispositions ci-après et poursuivie par mise en accusation :
- L’article 144 (bris de prison)
- L’article 265 (harcèlement criminel)
- L’article 271 (agression sexuelle)
- L’article 279 (enlèvement)
- L’article 279.02 (traite de personnes : tirer un avantage matériel)
- L’article 281 (enlèvement d’une personne âgée de moins de quatorze ans)
- L’article 333.1 (vol d’un véhicule à moteur)
- L’alinéa 334a) (vol de plus de 5000$)
- L’alinéa 348(1)e) (introduction par effraction dans un dessein criminel : endroit autre qu’une maison d’habitation
- L’article 349 (présence illégale dans une maison d’habitation
- L’article 435 (incendie criminel : intention frauduleuse)
Comme vous pouvez le constater, les limitations sont nombreuses comparativement à celles de 2007. Également, le gouvernement conservateur a ajouté de nombreuses peines minimales dans cette même foulée, notamment dans des crimes à matières sexuelles et des infractions en lien avec la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Il y a donc un nombre énorme d’infractions où il n’est plus possible d’infliger une peine d’emprisonnement avec sursis au délinquant. De plus, à la lecture de l’article 742.1 vous réaliserez que le choix du procureur de mode de poursuite qu’il entend utiliser prend une importance capitale et que cet élément fait souvent partie des négociations qu’il y a entre l’avocat de la défense et le procureur de la couronne.
Interprétation des critères
Pour éviter toute ambiguïté sur les nombreux critères, voici une brève explication pour ceux laissant place à interprétation
Le délinquant a été condamné à un emprisonnement de moins de deux ans : Tout d’abord, il est important de comprendre que le juge, lorsque vient le temps d’imposer une peine, doit analyser la peine qu’il inflige, le quantum et par la suite la manière dont elle sera purgée. Ainsi, pour que l’individu obtienne un emprisonnement avec sursis, le juge doit d’abord en arriver à la conclusion qu’il impose une peine d’emprisonnement et que celle-ci est de moins de deux ans. Ensuite, c’est à la fin de son exercice qu’il doit analyser si l’emprisonnement avec sursis est applicable. Aussi, il doit s’assurer que le fait de purger une peine d’emprisonnement avec sursis respecte les principes de détermination de la peine.
Fait intéressant, le juge pourrait infliger une peine d’emprisonnement avec sursis avec un quantum plus élevé que la peine d’emprisonnement préalablement choisie, mais l’inverse est impossible pour rendre admissible l’individu au sursis. À titre d’exemple, le juge pourrait en venir à la conclusion que l’individu mérite une peine de 6 mois d’emprisonnement, mais suivant son analyse, il autorise l’individu à purger une peine en collectivité, mais de 12 mois. Ce raisonnement est tout sauf exceptionnel et très souvent appliqué par les juges en chambre criminelle[9].
Également pour le calcul du deux ans, c’est l’addition de toutes les peines qui seront purgées consécutivement qui s’applique. Ainsi, si l’accusé est coupable de plusieurs infractions et que le juge inflige des peines différentes, le total des peines d’emprisonnement ne peut excéder 2 ans.
L’octroi du sursis ne met pas en danger la sécurité de la collectivité : Les tribunaux ont reconnu que ce critère n’est pas prédominant, « il doit plutôt être considéré comme un préalable à l’examen de la question de savoir si cette peine est une sanction juste et appropriée dans les circonstances »[10]. « Deux facteurs doivent être pris en considération au moment d’apprécier le danger que présente un délinquant pour la collectivité, soit le risque que ce dernier récidive et la gravité du préjudice susceptible d’en découler »[11].
Le risque de récidive ne doit pas seulement exister. Il doit être réel. Un simple risque de récidive minime ne suffira généralement pas pour empêcher l’octroi d’une peine d’emprisonnement avec sursis.
Au niveau du préjudice qui pourrait en découler, le juge doit prendre en compte les facteurs favorisant l’octroi du sursis et ceux en défaveur. En voici quelques exemples :
En faveur : Respect des conditions de remise en liberté, nature de l’infraction, degré de participation du délinquant, occupation d’un emploi stable, soutien familial, absence de problématique de consommation de drogues ou d’alcool
En défaveur : nombre et nature des infractions reprochées, casier judiciaire surchargé, nombreux bris de conditions, indice de dangerosité élevé[12]
L’ordonnance d’emprisonnement avec sursis est conforme à l’objectif et aux principes de détermination de la peine visés aux article 718 à 718.2 du Code criminel : Nous vous l’avons mentionné précédemment, mais il est important de rappeler que même si l’ensemble des conditions sont remplies pour l’octroi d’une ordonnance de sursis, le juge doit tout de même évaluer les principes de détermination de la peine, pour s’assurer que sa décision est conforme.
« Selon la Cour, l’emprisonnement dans la collectivité devrait être privilégié chaque fois que le contrevenant présente de bonnes perspectives de réinsertion sociale et qu’il est possible, dans les circonstances, de combiner les objectifs punitifs et correctifs de la peine. C’est que l’emprisonnement avec sursis présente un double avantage. Tout d’abord, il donne au tribunal la possibilité de façonner une peine assortie de conditions appropriées qui pourra mener – d’une manière que ne permettrait pas l’incarcération – à la réinsertion sociale du délinquant, à la réparation des torts causés à la collectivité et à la prise de conscience par le délinquant de ses responsabilités »[13]. Il produit également un « effet dénonciateur appréciable, particulièrement dans les cas où l’ordonnance de sursis est assortie de conditions rigoureuses et que sa durée d’application est plus longue que la peine d’emprisonnement qui aurait ordinairement été infligée dans les circonstances »[14].
Ainsi, bien que la croyance populaire suggère que la peine d’emprisonnement avec sursis ne remplit pas les principes de dénonciation et de dissuasion, les conditions auxquelles sera assortie l’ordonnance de sursis remplissent aisément cette fonction. C’est d’ailleurs ce que nous vous présenterons pour la suite.
Conditions assorties à l’ordonnance de sursis
À sa face même, l’emprisonnement avec sursis semble peu restrictif. De plus, on peut croire qu’elle ne fait qu’éviter à un inculpé de devoir subir les aspects néfastes d’une peine de détention. Or, une ordonnance de sursis peut être très contraignante; c’est par les différentes conditions que le juge peut imposer que les principes de détermination de la peine sont respectés.
On dénombre trois différents types de conditions accompagnant l’emprisonnement avec sursis.
Tout d’abord, il y a les conditions obligatoires[15] :
- De ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite
- De répondre aux convocations du tribunal
- De se
présenter à l’agent de surveillance
- Dans les deux jours ouvrables suivant la date de l’ordonnance, ou dans le délai plus long fixé par le tribunal
- Par la suite, selon les modalités de temps et de forme fixées par l’agent de surveillance
- De rester dans le ressort du tribunal, sauf permission écrite d’en sortir donnée par le tribunal ou l’agent de surveillance
- De prévenir le tribunal ou l’agent de surveillance de ses changements d’adresse ou de nom et de les aviser rapidement de ses changements d’emploi ou d’occupation
Par la suite, il y a l’imposition d’un programme de traitements. Ainsi, dans les cas opportuns, le juge pourrait obliger l’accusé à suivre un programme de traitement contre les différentes dépendances. Toutefois, il est rare pour les inculpés de refuser de participer à ce type de programme, donc cette condition est souvent incluse de « consentement ».
Le dernier type de conditions touche celles facultatives[16]. « Le tribunal est invité à ajouter les conditions qu’il estime raisonnables et souhaitables pour assurer la bonne conduite du délinquant et pour l’empêcher de commettre de nouveau la même infraction »[17]. Le juge peut par exemple : intimer au délinquant de s’abstenir de consommer des drogues – sauf sur ordonnance médicale – de l’alcool ou d’autres substances intoxicantes, s’abstenir d’être propriétaire, possesseur ou porteur d’une arme, d’accomplir des travaux communautaires, etc.
Également, la condition la plus contraignante au niveau des conditions facultatives est bien entendu le couvre-feu. Le juge a une grande liberté, dépendamment du quantum de la peine, sur les modalités du couvre-feu. Ce que l’on observe souvent dans les salles d’audience, c’est une division, en période de temps, du couvre-feu. Généralement, l’assignation à domicile 24h sur 24 occupe une grande partie de la peine. Par la suite, il y a une période où l’on permet un peu plus de liberté au contrevenant en lui imposant un couvre-feu, par exemple de 22h à 7h pour le restant de la peine à purger.
Pour s’assurer que les gens sont bel et bien présents à la maison durant leur couvre-feu, l’agent de surveillance effectue, chaque jour, parfois à plus d’une reprise, des appels à la résidence. L’inculpé doit obligatoirement avoir une ligne fixe à sa résidence et aucun renvoi d’appel n’est accepté. Les juges permettent habituellement une exception par semaine pour l’individu qui doit faire ses courses. Une journée bien précise est identifiée pour la durée du couvre-feu 24 sur 24 et une courte période de temps est alloué à l’inculpé. De plus, la majorité du temps on permet aux gens de poursuivre leur emploi, peu importe le couvre-feu. En revanche, une étroite surveillance est effectuée pour s’assurer que l’inculpé est bel et bien au travail durant sa permission et que la sortie soit uniquement pour travailler.
Conséquences d’un manquement à l’une des conditions
Contrairement à un bris d’une condition de probation, le manquement à une condition de l’ordonnance de sursis n’est pas une infraction criminelle. Toutefois, des conséquences sont à prévoir pour l’individu qui est reconnu coupable de ce manquement.
Le juge qui fait face à un inculpé qui a manqué l’une de ses conditions a trois option qui s’offrent à lui[18]
- Ne pas agir
- Modifier les conditions facultatives
- Suspendre
l’ordonner et ordonner
- D’une part au délinquant de purger en prison une partie de la peine qui reste à courir
- D’autre part que l’ordonnance s’applique à compter de la libération du délinquant, avec ou sans modification des conditions facultatives
- Mettre fin à l’ordonnance de sursis et ordonner que le délinquant soit incarcéré jusqu’à la fin de la peine d’emprisonnement
« La Cour suprême affirme d’ailleurs que lorsque le délinquant enfreint sans excuse raisonnable une condition de son ordonnance de sursis à l’emprisonnement, il devrait y avoir une présomption qu’il doit alors purger le reste de sa peine en prison. Force est toutefois de constater que les manquements n’emportent pas tous révocation du sursis, bien au contraire. Les tribunaux considèrent souvent qu’une révocation totale donnerait lieu à une sanction excessive dans les circonstances et optent plutôt pour une révocation partielle ou encore, pour un resserrement des conditions »[19].
Une visite en prison guette donc celui-ci qui décide d’enfreindre les conditions de son sursis. L’épée de Damoclès qui se tient au-dessus de la tête de chaque individu qui purge une peine d’emprisonnement avec sursis est l’une des raisons qui expliquent pourquoi cette peine remplit tout de même les principes de dénonciation et de dissuasion au niveau de la peine.
Opinion et particularités
Notre opinion face à l’emprisonnement avec sursis ne rejoint pas celle des gens qui étaient en faveur des modifications de 2012 pour la rendre de moins en moins accessible. En effet, nous croyons qu’il valait mieux laisser une marge de manœuvre aux juges quant à l’octroi de cette peine. Ceux-ci ont la compétence pour analyser l’ensemble des facteurs à prendre en compte lors du prononcé d’une sentence, d’autant plus que chaque cas est un cas d’espèce et le fait de restreindre l’application d’une telle alternative nuit au processus de détermination de la peine. De plus, l’objectif derrière cette peine était de diminuer la population carcérale, tout en mettant sur pied une peine qui remplissait chacun des principes de détermination de la peine.
Un autre objectif de cette peine est de conserver les gens comme des actifs au sein de la société plutôt que de devenir un fardeau financier pour l’état. En 2019, on évaluait le coût par jour pour un détenu dans un pénitencier à 288 $ et à 213 $ pour un détenu dans une prison provinciale[20]. Un individu qui travaille tout en purgeant la sentence appropriée est donc beaucoup plus profitable pour notre société.
Nous ne sommes pas en accord avec ceux qui prétendent que cette peine peut parfois être trop clémente et ne pas avoir d’effet dissuasif. À la lecture de cet article vous avez pu constater que les nombreuses conditions auxquelles peuvent être assorties l’inculpé rendre la vie moins facile que l’on peut le croire lorsque la peine est purgée. De plus, un élément à tenir compte que nous n’avons pas mentionné est que la personne purgeant une peine d’emprisonnement avec sursis, ne peut bénéficier des libérations conditionnelles. Ainsi, l’ordonnance se purge entièrement. Lors d’une peine de détention, les accusés peuvent se voir libérer, selon certaines conditions, au 1 sur 6 de leur peine. Concrètement, un individu qui reçoit une sentence de 18 mois de prison, pourrait ne purger que 3 mois à l’intérieur des murs. Le reliquat de la peine étant purgée selon les conditions établies par les libérations conditionnelles. En matière de sursis, c’est le 18 mois complet qui est purgé selon les modalités prédéfinies lors de la détermination de la peine.
Évidemment, il peut paraitre plus confortable de purger une peine d’emprisonnement à la maison plutôt qu’en détention, mais le législateur a tout de même émis de nombreuses conditions pouvant être ordonnées par le juge pour rendre la peine tout de même très contraignante.
En terminant, pour vous démontrer concrètement dans quelles situations le sursis peut s’appliquer, voici quelques décisions récentes où l’on a accordé l’emprisonnement avec sursis :
R c. Barchichat 2020 QCCA 282 : Décision de la Cour d’appel qui a renversé la décision du juge en première instance qui avait infligé une peine de 22 mois d’emprisonnement ferme. L’individu a été reconnu coupable de 4 chefs d’accusation de fraude de plus de 5000$, pour un total de 104 500$. La fraude s’était effectuée sur environ 2 ans et touchait 4 groupes de plaignants. Fait à noter l’individu avait remboursé presque l’entièreté des sommes. Un reliquat d’union 10 000$ ne l’avait pas été. La Cour d’appel a renvoyé le dossier en première instance mentionnant que le juge avait commis un erreur de droit en n’octroyant pas le sursis. Ce dernier devait maintenant déterminer la nature des conditions du sursis.
R c. Markus 2020 QCCM 40 : L’individu s’est vu infliger une peine de 3 mois d’emprisonnement à être purger en collectivité. L’accusé a plaidé coupable à l’infraction d’avoir conduit son véhicule à moteur alors que ses capacités de conduire étaient affaiblies par l’alcool (320.14). L’individu avait de nombreux antécédents en semblable matière.
L’accusé a plaidé coupable d’avoir participé à une conversation électronique avec une personne âgée de moins de 18 ans en vue de faciliter la perpétration à son égard d’infractions de nature sexuelle (172.1 (1) a). Le juge a octroyé une sentence de 6 mois d’emprisonnement avec sursis avec la condition d’effectuer 100h de travaux communautaires.
En conclusion, l’emprisonnement avec sursis est malheureusement peu appliqué vu les dernières modifications du législateur. Toutefois, bien que le premier réflexe à avoir face à cette peine est que la personne s’en tire avec une peine facile à purger, il faut plutôt prendre en compte les nombreuses conditions qui s’y rattache et qu’elle doit être purgée dans son entièreté contrairement à une peine de détention pour réaliser qu’il s’agit tout de même d’une peine de confine…d’emprisonnement. Si l’on prend pour acquis que la sentence doit réduire le risque de récidive, comment peut-on ne pas voir l’efficacité de réinsérer les délinquants et, surtout, régler leurs problèmes à la base avec l’encadrement modulable qu’offre cette mesure.
[1] Code criminel, LRC 1985, art. 718.
[2] COMITÉ CANADIEN DE LA RÉFORME PÉNALE ET CORRECTIONNELLE, Justice pénale et correction : un lien à forger, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1969; COMMISSION CANADIENNE SUR LA DÉTERMINATION DE LA PEINE, Réformer la sentence : une approche canadienne, Ottawa, Ministres des approvisionnements et Servies Canada, 1987; COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DU SOLLICITEUR GÉNÉRAL SUR LA DÉTERMINATION DE LA PEINE, LES MISES EN LIBERTÉ SOUS CONDITIONS ET D’AUTRES ASPECTS DU SYSTÈME CORRECTIONNEL, Des responsabilités à assumer, Ottawa, Ministres des approvisionnements et Services Canada, 1988.
[3] Loi modifiant le Code criminel (détermination de la peine) et d’autres lois en conséquence, L.C. 1995, c.22.
[4] Loi modifiant le Code criminel (détermination de la peine) et d’autres lois en conséquence, L.C., c. 22, art . 6, instaurant l’article 742.1.
[5] Loi modifiant le Code criminel et certaines loi, L.C. 1997, c. 18, art. 107.1, modifiant l’article 742.1.
[6] R c. Steele, [2014] 3 R.C.S. 138.
[7] Hugues Parent et Julie Desrosiers, La peine – Traité de droit criminel, t. 3,Thémis, Montréal, 2012, p. 40.
[8] Loi sur la sécurité des rues et des communautés, L.C., c. 1, entrée en vigueur le 20 novembre 2012 par le Décret fixant diverses dates d’entrée en vigueur de certains articles de la loi, TR/2012-48, le 4 juillet 2012.
[9] R c. Legault, [2012] J.Q. No. 18077, par. 36 (C.Q.)
[10] R c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. par. 65.
[11] R c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. par. 69.
[12] PARENT, Hugues et DESROSIERS, Julie, Traité de droit criminel : Tome III La Peine, 2e éd, p. 500-501.
[13] Id, p. 507.
[14] Id, p. 508.
[15] Code criminel, art. 742.3 (1) et (1.1).
[16] Id, art. 742.3 (2).
[17] La Peine, préc. note 9, p. 513.
[18] Code criminel, art. 742.6 (9).
[19] La peine, préc. note 9. P. 517.
[20] http://www.alterjustice.org/dossiers/statistiques/couts-detention.html
Publié le 24 août 2020 par Me Francois Castonguay dans CQLC, Crime contre la personne et contre les biens, Criminel et pénal, Libération conditionnelle.