Procédure sommaire ou acte criminel
Les étapes du processus judiciaire en matière criminelle sont souvent nombreuses et complexes lorsque l’on se retrouve inculpé devant le Tribunal, et ce, dès le départ avec le vocable utilisé pour décrire le délit en cause. En effet, le Code criminel prévoit trois catégories d’infractions : l’infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, l’acte criminel et l’infraction hybride, qui elle, permet le choix entre les deux modes précédents. Chaque type d’infraction engendre un déroulement quelque peu distinct, mais surtout des conséquences différentes.
L’infraction punissable par procédure sommaire
L’infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, communément appelée l’infraction sommaire, regroupe les crimes comportant une gravité objective inférieure de ceux qui se retrouvent au Code criminel. On peut rapidement penser au vol de moins de 5000 dollars, le fait de troubler la paix ou d’être nu dans un endroit public [1]. Ces délits sont généralement reconnus comme étant de gravité moindre, car la peine maximale que l’accusé peut se voir condamner est une sentence d’emprisonnement de 6 mois, d’une amende de 5000 $ ou les deux [2].
En matière d’infractions sommaires, la juridiction compétente est exclusivement une Cour provinciale ou territoriale et contrairement à l’acte criminel, il n’y a aucune possibilité de tenir une enquête préliminaire. Toutefois, ce type d’infraction est prescriptible. En effet, la Poursuivante dispose d’un délai de 6 mois pour déposer les accusations à partir du fait en litige.
Le mode d’accusation entraîne également des conséquences quant aux frais auxquels l’accusé peut faire face. Lorsqu’il y a mise en accusation, il n’aura pas à débourser les frais judiciaires. Toutefois, en matière de procédure sommaire, il peut se voir contraint de les défrayer. Le tout est laissé à la discrétion du Tribunal qui se basera principalement sur la capacité de payer de l’inculpé [3]. À titre d’exemple, les frais octroyés peuvent être de 16,80 $ pour chaque témoin assigné, 22,40 $ pour le dépôt d’une requête et 32,25 $ pour un ajournement accordé au défendeur [4].
Que ce soit par procédure sommaire ou par acte criminel, en sus de la peine et des frais, une suramende compensatoire est applicable. En matière sommaire, le montant est moindre, il s’élève à 100 $ par chef d’accusation. Le Tribunal n’a toutefois pas la discrétion d’en dispenser l’accusé puisqu’elle est obligatoire depuis le 24 octobre 2013 avec la Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l’égard des victimes [5]. Cette position adoptée par le législateur a été contestée, entre autres, dans l’arrêt Boudreault [6]. Encore aujourd’hui, le débat sur ce point est d’actualité, car l’appel dans ce dossier a été autorisé par le plus haut Tribunal du pays [7]. Cependant, tant qu’une décision n’est pas rendue par la Cour suprême, l’imposition obligatoire de la suramende compensatoire est considérée comme constitutionnelle et ne constitue pas une peine cruelle ou inusitée au sens de l’article 12 de la Charte [8].
Fait à noter, le législateur se réserve le droit d’imposer une suramende compensatoire plus élevée si les circonstances le justifient et que le contrevenant est en mesure de payer cette augmentation [9] (art 737 [3]).
L’acte criminel
L’acte criminel comprend les délits les plus graves au Code criminel et qui par le fait même, entraîne généralement des peines plus sévères. Lorsqu’on fait référence aux crimes dont la gravité objective est supérieure, on peut penser au meurtre, à la conduite dangereuse causant la mort et aux voies de faits graves [10]. La procédure à suivre en matière d’acte criminel est la mise en accusation.
Orientation
Ce mode d’accusation comporte différentes spécificités en matière de juridiction. En effet, lors d’une mise en accusation, nous devons vérifier la nature de l’infraction puisque cela aura une influence directe sur la possibilité de l’inculpé de faire un choix quant à la juridiction qui entendra son procès ainsi que les stades à franchir. Il existe trois situations différentes en fonction de l’infraction qui a été commise, dont deux où l’accusé n’a pas la liberté de choisir la juridiction. Ce choix constitue l’étape nommée l’« orientation ».
Premièrement, si l’inculpé fait face à une accusation qui est prévue à l’article 469 du Code criminel [11], il s’agit d’une infraction de juridiction exclusive de la Cour supérieure. Cet article vise, par exemple, la trahison, la piraterie et le meurtre [12]. Dans ce cas, l’accusé n’aura d’autre option que de se soumettre à un procès devant juge et jury sous réserve de l’application de l’article 473 (1) du Code criminel [13]. Cette disposition permet d’éviter la présence d’un jury si la défense et le procureur général y consentent.
Deuxièmement, dans l’optique où il est accusé d’une infraction prévue à l’article 553 du Code criminel [14], qui établi, quant à lui, la juridiction absolue du juge de la Cour provinciale, le procès se fera devant un juge de la Cour du Québec.
Troisièmement, dans les autres cas non visés aux articles 469 ou 553 du Code criminel, l’inculpé pourra faire un choix parmi les trois « orientations » qui s’offrent à lui :
– Un procès devant la Cour supérieure de juridiction criminelle avec juge et jury, après la tenue d’une enquête préliminaire, si demandée;
– Un procès devant un juge seul devant la Cour du Québec, après la tenue d’une enquête préliminaire, si demandée;
– Un procès devant un juge seul de la Cour du Québec sans la tenue d’une enquête préliminaire. [15]
L’acte criminel permet à l’inculpé d’avoir la tenue d’une enquête préliminaire. Elle procédera si l’une des parties en fait la demande après avoir déposé le formulaire requis. Dans le cas d’une accusation où il y a plusieurs coaccusés, dès qu’un de ceux-ci en fait la demande, elle se tiendra. L’enquête préliminaire permet notamment de faire une évaluation de la preuve en poursuite. Il s’agit en quelque sorte, d’un procès avant le procès.
Dans le cas d’une mise en accusation, l’article 743 [16] du Code criminel prévoit une peine maximale de 5 ans d’emprisonnement lorsqu’aucune peine n’est prévue au Code criminel pour ladite infraction.
Pour une culpabilité a un chef sur acte criminel, la suramende compensatoire s’élève à 200 $ plutôt qu’à 100 $ en matière sommaire [17] et rappelons-le est, pour le moment, obligatoire.
Infractions hybrides
Les infractions hybrides, les plus fréquentes au Code criminel, prévoient à la fois la possibilité pour la Poursuivante d’utiliser la mise en accusation ou une procédure sommaire. Cela fait partie de son pouvoir discrétionnaire de choisir le mode approprié. Ce choix ne se fait pas de manière aléatoire, le Procureur des poursuites criminelles et pénales a certaines directives pour se guider dans son choix. De manière générale, la gravité subjective de l’infraction, les antécédents judiciaires, la peine susceptible d’être requise et le besoin de dissuasion sont pris en considération. De manière plus spécifique, on peut penser au mauvais traitement à l’égard d’un époux, d’un conjoint de fait ou d’un enfant. En matière de drogue, la nature et la quantité sont des facteurs pris en compte. De plus, le fait d’être membre d’une organisation criminelle ou d’être sympathisant d’un de ceux-ci peut également être utilisé par le DPCP pour choisir sa procédure [18].
C’est l’analyse de l’ensemble de ces facteurs qui va permettre à la Poursuite de faire son choix. Il n’y a pas de hiérarchie ou de facteur qui prime dans cette analyse.
Le délai de prescription prévu pour les infractions sommaires précédemment présentées vient jouer un rôle quant à l’issue de la décision. Bien que cela ne doit pas être la raison pour laquelle la Poursuite privilégie une mise en accusation qui n’est pas prescriptible versus une procédure sommaire, c’est un point à analyser. En effet, la procédure sommaire étant attachée à un délai de prescription de 6 mois, si aucune procédure n’est prise, l’infraction sera prescrite. Toutefois, dans le cas d’une infraction hybride, la Poursuite a toujours l’opportunité de poursuivre selon la mise en accusation.
C’est pourquoi il y a certains éléments à prendre en considération. Tout d’abord, si l’affaire est introduite devant un tribunal compétent en matière de procédure sommaire, la Poursuivante est présumée avoir choisi l’option de la procédure sommaire [19]. Par la suite, l’article 786 (2) [20] prévoit un consentement possible pour une procédure sommaire. Ainsi, les avocats peuvent s’entendre sur une accusation selon une procédure sommaire même si le délai est prescrit. Les procédures sommaires sont majoritairement moins contraignantes et il est souvent mieux de céder sur le délai prescrit que d’être poursuivi selon une mise en accusation. Le consentement à une procédure sommaire peut être donné à tout moment avant le verdict [21] et ce dernier ce doit d’être clair et sans équivoque.
Si la Poursuivante décide de choisir la mise en accusation, car le délai de 6 mois est passé, elle se doit de suivre d’autres directives pour que le choix ne se fasse pas uniquement pour cause de dépassement du délai, à savoir l’absence de responsabilité du poursuivant face au délai, l’absence d’abus ou de négligence pour le respect du délai ainsi que les facteurs généraux mentionnés précédemment.
En matière de sentences, la fourchette de peines prévues par le Code criminel dépend du choix de mode d’accusation. Généralement, les peines minimales lors d’un acte criminel sont plus sévères qu’en matière sommaire. Par exemple, pour l’infraction de contact sexuel [22], la peine minimale pour la procédure sommaire est de 90 jours d’emprisonnement et la peine plancher par mise en accusation est d’une année d’incarcération. Toutefois, en ce qui concerne la conduite avec les facultés affaiblies, les peines minimales sont les mêmes que l’accusation soit portée par mise en accusation ou par procédure sommaire [23].
En conclusion, que vous soyez inculpé d’une infraction sommaire ou d’un acte criminel peut changer bien des choses dans la stratégie a adopter devant le Tribunal. Pour ces raisons, la meilleure option pour s’y retrouver est de consulter un avocat.
C’est avec plaisir que nous pouvons vous conseiller, vous représenter et vous accompagner, en cas de besoin, pour franchir les différentes étapes propres à votre situation.
[1] Code criminel, articles 334 b) ii), 175 et 174
[2] Code criminel, article 787
[3] Code criminel, article 809
[4] Tarif en matière criminelle, article 1 par 1 d), f) et g)
[5] Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l’égard des victimes, L.C. 2013, ch. 11
[6] R. c. Boudreault 2016 QCCA 1907
[7] 2017 CanLII 31529 (CSC)
[8] Charte canadienne, art 12
[9] Code criminel, article 737 (3)
[10] Code criminel, articles 229, 249 (4) et 268.
[11] Code criminel, article 469
[12] Code criminel, articles 47, 74 et 235
[13] Code criminel, article 473 (1)
[14] Code criminel, article 553
[15] Code criminel, article 536 (2)
[16] Code criminel, article 743.
[17] Code criminel, article 737 (2) b) i)
[18] www.dpcp.gouv.qc.ca/ressources/pdf/envoi/ACC-5-M.pdf
[19] R. c. Dudley, [2009] 3 RCS 570, par. 20
[20] Code criminel, article 786 (2)
[21] R. c. Dudley, [2009] 3 RCS 570, par. 36
[22] Code criminel, article 151
[23] Code criminel, art 255 (1) a)..
Publié le 24 mai 2018 par Me Francis Boucher dans Criminel et pénal.