Avocat du diable, analyse d’une pas si mauvaise décision qui absout un agresseur sexuel;
Ce n’est pas la première fois que le système de justice est mal mené dans l’opinion publique[1]. Cette fois-ci est la cible est le juge Matthieu Poliquin en raison d’une peine d’absolution conditionnelle octroyée dans un dossier d’agression sexuelle[2]. Au Canada, les débats judiciaires en matière criminelle sont publics et il règne une quasi absolue liberté d’expression; le résultat ? Les juges ne peuvent occulter de leur décision la confiance du public dans l’administration de la justice. Cependant, ce principe est grevé d’un important corolaire à savoir qu’il doit s’apprécier en déterminant ce que penserait la personne raisonnable et renseignée.
C’est exactement à cet endroit que je dois intervenir, pas pour défendre la décision, mais pour soutenir le système de justice. Réellement, combien on prit le temps de lire la décision avant d’émettre leur opinion ? Il est là le problème. Les médias tronquent les faits et sortent de leurs contextes des passages de la décision pour plaire à une population assoiffée de vengeance en matière d’agression sexuelle. Ces raccourcis intellectuels ne font qu’aggraver l’image négative de la population envers le système de justice, et ce à tort. Le système n’est pas parfait, dans certaines situations pas du tout mêmes, mais cette décision n’est pas si odieuse qu’on veut bien le laisser paraitre.
Mon opinion sur la décision ? Dans un premier temps, regardons-la avec un peu plus de détails, et je me prononce par la suite.
Pour lire la décision dans son intégralité :
R. c. Houle, 2022 QCCQ 4039 2022 (CanLII), <https://canlii.ca/t/jpznj>, consulté le 2022-07-07
Regardons de plus près certains passages.
Je crois qu’il est important de reproduire intégralement l’introduction qui se passe de commentaire.
« [1] Une agression sexuelle est une infraction criminelle grave qui porte atteinte à l’intégrité physique et psychologique des victimes. Elle répugne « à l’esprit équilibré et l’esprit socialement adéquat »(1).
[2] Depuis quelques années, plusieurs victimes ont pris la parole publiquement pour dénoncer ce type d’abus et le fait qu’elles se sentent abandonnées par le système judiciaire.
[3] Plusieurs initiatives, législatives et autres, ont tenté, tentent et tenteront de répondre au désarroi des victimes d’agression sexuelle.
[4] Cela dit, le Tribunal qui doit imposer une peine à un accusé déclaré coupable d’une agression sexuelle doit toujours le faire en respectant les principes et objectifs de détermination de la peine. Bien qu’un juge doive être conscient de son environnement social2, il doit toujours rester impartial. En tout temps, il doit être guidé par la règle de droit et non par la clameur publique. C’est l’un des nombreux avantages de vivre dans une société démocratique.
[5] Quelle peine doit recevoir l’accusé qui reconnaît s’être livré à une agression sexuelle en insérant ses doigts dans le vagin de la victime et en lui touchant les seins ainsi qu’à du voyeurisme en prenant des photos des parties intimes de celle-ci, le tout, alors qu’elle est inconsciente?
[6] Est-ce que la peine juste peut être une absolution conditionnelle ou si cette peine doit nécessairement en être une d’emprisonnement? Telle est la question en litige. »
(1) R. c. Birmingham, 1986 CanLII 3712 (QC CA), citant un extrait du jugement de 1re instance.
Par la suite, le Tribunal revient sur le contexte, paragraphe 7 à 18, le résumé effectué ci-haut au paragraphe 5 est plus qu’explicite quant à la trame factuelle nécessaire à notre analyse.
Paragraphe 19 et suivants de la décision, le Tribunal s’attarde aux conséquences chez la victime, notamment en se basant sur la déclaration cette dernière qui est une lettre écrite par la victime qu’elle a lu à la Cour. La conclusion du juge est sans équivoque sur ce point « Les conséquences des crimes sur la victime sont importantes. ». Il est aussi pertinent de reproduire la position de la victime à l’égard du processus pénologique : « Elle n’est aucunement motivée par la vengeance et « souhaite la guérison des deux parties ».
Entre les paragraphes 29 et 43, l’Honorable Poliquin traite de la situation de l’accusé et de son rapport présentenciel. Important de savoir, le rapport présentenciel est une évaluation de l’accusé faite postérieurement à son plaidoyer de culpabilité par un professionnel dans le domaine de la criminologie. Il s’agit d’une évaluation intrusive qui va également consulter plusieurs sources proches de l’accusé pour rédiger un rapport complet.
Les constats faits par le Tribunal, appuyés du rapport présentenciel sont les suivants :
[33] Après sa mise en accusation dans le présent dossier, il entreprend de lui-même une psychothérapie, laquelle est toujours en cours. Un rapport d’évolution6 de sa psychologue fait état de 33 rencontres en date du 28 juin 2021. […]
[34] Dès la première rencontre, l’accusé admet avoir commis les gestes qu’on lui reproche et leur gravité. Le motif de consultation est de comprendre ce qui l’a amené à poser de tels gestes. Depuis, l’accusé progresse de façon significative dans la compréhension de sa dynamique personnelle. […]
[35] L’accusé regrette énormément les gestes posés. […]
[36] Il s’excuse sincèrement à la victime et est conscient des conséquences subies par celle-ci.
[42] L’accusé possède un « fort potentiel de réinsertion sociale ». Ses capacités introspectives et intellectuelles lui ont permis de cheminer de façon pertinente.
[43] Le risque de récidive est faible.
La décision se poursuit avec une analyse des « Principes et objectifs de détermination de la peine »
[47] L’objectif essentiel du prononcé des peines est de protéger la société et de contribuer au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre. Cet objectif est réalisé par l’infliction de sanctions justes adaptées aux objectifs suivants de détermination de la peine : la dénonciation, la dissuasion, la neutralisation, la réinsertion sociale, la réparation ainsi que la prise de responsabilité (9).
[48] Aucun de ces objectifs de détermination de la peine ne prime les autres. […]
[49] Ainsi, les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale ne doivent pas dominer la réponse pénologique (11). S’ils peuvent leur attribuer un poids important pour un crime donné, les tribunaux ne peuvent pas pour autant exclure des peines que le législateur lui-même n’a pas exclues. Les tribunaux ne peuvent créer des points de départ ou des minimums contraignants (12).
[50] […] (13) la dénonciation et la dissuasion générale sont des objectifs flous qui peuvent mener rapidement à une peine disproportionnée s’ils ne sont pas pondérés avec soin. […] La peine doit tenir compte de l’ensemble des objectifs pénologiques et non s’arrêter à certains d’entre eux. Seul l’équilibre mène à une peine juste.
[51] L’objectif de réinsertion sociale n’est pas non plus prioritaire aux autres, même s’il fait partie des valeurs morales fondamentales qui distinguent la société canadienne de nombreuses autres nations du monde (14). Par contre, en présence d’une démonstration particulièrement convaincante de réhabilitation, il pourra devenir prééminent (15). Il est légitime que l’importance qu’accorde notre société dans la réhabilitation se reflète dans la peine imposée à l’accusé qui démontre qu’il a choisi d’emprunter cette voie (16).
[52] […] la peine doit respecter le principe fondamental de proportionnalité qui commande que la peine soit proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant (17).
[54] […] les fourchettes de peine, qui constituent un condensé des peines minimales et maximales déjà infligées par des juges pour un crime donné, sont des outils qui visent à s’assurer que les peines tiennent compte des principes de détermination de la peine prescrits par le Code criminel. Elles sont des lignes directrices et non des règles absolues ou des carcans.
[55] Conséquemment, il se présentera toujours des situations qui requerront l’infliction d’une peine à l’extérieur d’une fourchette particulière, car si l’harmonisation des peines est en soi un objectif souhaitable, on ne peut faire abstraction du fait que chaque crime est commis dans des circonstances uniques, par un délinquant au profil unique.
(9) Article 718 C.cr.; R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6 (CanLII), par. 39; Harbour c. R., 2017 QCCA 204 (CanLII), par. 55.
(11) Harbour c. R., préc., note 9, par. 77.
(12) Harbour c. R., préc., note 9, par. 78.
(13) Id., par. 83 et 84.
(14) R. c. Lacasse, 2015 CSC 64 (CanLII), par. 4.
(15) R. c. Prokos, 1998 CanLII 12949 (QC CA), p. 9.
(16) R. c. Préfontaine, 2020 QCCA 1138 (CanLII), par. 19.
(17) Article 718.1 C.cr.; R. c. Bissonnette, 2022 CSC 23 (CanLII), par. 50.
[Nos soulignements]
Le juge prend le soin de le spécifier « Les principes applicables en matière d’agression sexuelle en ces termes :
[56] L’arrêt Gravel de la Cour d’appel du Québec le résume bien : même si les peines imposées aux personnes reconnues coupables d’agression sexuelle varient considérablement, étant donné le large éventail de comportements qui peut conduire à l’infraction d’agression, force est d’admettre que l’emprisonnement ferme est la sanction privilégiée en cette matière.
[57] Évidemment, toute règle comporte des exceptions. Dans des circonstances appropriées, une peine plus clémente peut être envisagée.
[58] Ainsi, la jurisprudence portant sur des victimes adultes révèle des peines allant de l’absolution à l’emprisonnement.
[Nos soulignements]
En somme, pour rendre une peine, le Tribunal doit considérer la dénonciation, la dissuasion, la neutralisation, la réinsertion sociale, la réparation ainsi que la prise de responsabilité. La dénonciation réfère au concept de dissuader toute personne du public de commettre une infraction et la dissuasion réfère à ce que l’individu ne recommette pas de crime. Dans le cas présent, en arrivant à la conclusion que le risque de récidive est faible pour l’accusé et en réduisant la question en litige à une plus simple expression, il reste à soupeser la dénonciation générale avec la réinsertion du délinquant. En effet, le juge a conclu à la lumière de la preuve qui lui a été présentée qu’il n’avait pas à dissuader de manière supplémentaire, cet objectif ayant déjà été atteint. Reste donc à savoir, est-ce qu’on favorise la réinsertion sociale de l’accusé ou on milite pour décourager les autres citoyens de commettre des infractions ? Voilà, le nœud du débat juridique que le juge Poliquin a dû trancher.
Les principes concernant l’absolution utilisés par le Tribunal sont les suivants :
[60] Elle n’est pas une mesure exceptionnelle qui doit être accordée que dans des circonstances exceptionnelles (26). Elle n’est pas non plus réservée ou limitée aux infractions mineures ou techniques (27).
[61] Au contraire, l’article 730 C.cr. n’exclut aucun crime, sauf ceux qui sont passibles d’une peine minimale ou de 14 ans ou plus d’emprisonnement (28).
[62] La mesure est même possible lorsque le crime peut être qualifié de « fléau » et chaque cas doit être évalué à son mérite (29). Autrement, les tribunaux créeraient des exclusions là où le législateur n’en prévoit pas, créant ainsi un danger réel que la peine devienne une réponse au crime uniquement plutôt qu’une peine juste et proportionnelle au crime et au délinquant (30).
[63] Au final, le tribunal qui impose la peine peut ordonner qu’un accusé soit absous s’il considère qu’il y va de son intérêt véritable sans nuire à l’intérêt public (31).
[68] Enfin, s’il faut, à l’occasion de l’évaluation de l’intérêt public, être sensible à la réaction de la personne raisonnable et bien renseignée, cette sensibilité ne peut amener le juge à refuser une peine si elle est adéquate (36).
(26) Harbour c. R., préc., note 9, par. 91; R. c. Moreau, 1992 CanLII 3313 (QC CA); R. c. Prévost, id., par. 31.
(27) Rozon c. R., préc., note 25, par. 30; R. c. Prévost, id., par. 30
(28) Harbour c. R., préc., note 9, par. 91
(29) Id., par. 92
(30) Id., par. 93.
(31) Article 730 C.cr.
(36) Harbour c. R., préc., note 9, par. 97.
Reste maintenant la portion la plus difficile et délicate, déterminer la peine appropriée, qui est, rappelons-le, loin d’un examen mathématique ou une science exacte.
[70] En l’espèce, les crimes commis par l’accusé se situent dans la partie intermédiaire et supérieure de l’échelle de gravité […]
[71] À l’exception d’une peine d’emprisonnement avec sursis, toutes les autres peines prévues par la loi sont accessibles à l’accusé […]
[72] […] (38) permet d’affirmer que la gravité subjective des infractions est également importante.
[74] Il y a une victime et un seul évènement, lequel se déroule somme toute rapidement. Bien qu’il soit difficile d’évaluer la durée réelle de l’évènement, les photos prises par l’accusé permettent d’établir que l’accusé a tout de même eu le temps de prendre neuf photos des parties intimes de la victime dans deux endroits différents de l’appartement. D’ailleurs, ces photos permettent de saisir le caractère intrusif et grave des gestes posés par l’accusé.
[76] […] il est sans conteste que celle-ci dort lors de l’agression, donc dans un état de grande vulnérabilité.
[78] […] Évidemment, cet état d’ébriété ne constitue pas une défense ou une justification, mais il peut permettre d’expliquer un comportement. […]
[85] […] le Tribunal est d’avis que les circonstances particulières de l’espèce, le profil positif de l’accusé, son cheminement thérapeutique et la démonstration plus que convaincante de sa réhabilitation permettent de rendre une peine autre que la peine d’emprisonnement habituellement privilégiée en matière d’agression sexuelle, et ce, même si on peut affirmer qu’une absolution est une peine rarement infligée pour ce type d’infraction.
[89] Son arrestation, sa mise en accusation et le délai de plus de deux ans à penser aux conséquences d’une déclaration de culpabilité sont suffisamment dissuasifs et convainquent le Tribunal que les objectifs de dissuasion spécifique et de réhabilitation sont acquis (45).
[92] L’absence d’antécédents judiciaires de l’accusé en lien avec des crimes contre la personne, son jeune âge lors de la commission de l’infraction, sa réhabilitation convaincante, son cheminement thérapeutique, le fait qu’il a toujours été un actif pour la société, le fait qu’il soit « une personne exhibant un fort potentiel de réinsertion sociale » et son faible risque de récidive viennent contrebalancer ces constats.
[94] En ayant connaissance de ces éléments, le Tribunal est d’avis que le public ne perdrait pas confiance dans la crédibilité du système judiciaire si l’accusé est absous. À cet égard, il convient de rappeler que le critère doit s’apprécier en déterminant ce que penserait la personne raisonnable et renseignée (50).
[95] Comme le mentionne avec raison le juge Côté, « Aussi sévère soit-elle, aucune peine ne saurait réparer les souffrances vécues par la victime. Néanmoins, le Tribunal doit se garder de sévir par l’imposition d’une sanction inappropriée dans une vaine tentative de la consoler. Certes, une peine est un châtiment visant à réprimer et punir, mais jamais elle ne doit devenir un instrument de vengeance. » (51)
[97] Conséquemment, l’absolution conditionnelle est ici une réponse juste et appropriée. Refuser d’ordonner que l’accusé soit absous en l’espèce, reviendrait à dire qu’une absolution n’est jamais possible en présence d’une infraction d’agression sexuelle. Or, il ne revient pas aux tribunaux d’exclure des peines que le législateur lui-même n’a pas exclues (53).
[98] La jurisprudence démontre d’ailleurs que des absolutions ont déjà été octroyées dans des cas d’agressions sexuelles (54), de même que dans des situations qui interpellent normalement l’objectif de dissuasion générale et de dénonciation, comme des voies de fait causant des lésions corporelles (55) ou du trafic de stupéfiants (56).
[100] En terminant, il faut garder à l’esprit que l’absolution conditionnelle comporte un mécanisme par lequel un juge peut annuler l’absolution et infliger au contrevenant une peine pour l’infraction originale en plus de toute autre peine si le délinquant commet une nouvelle infraction (58).
[101] Ainsi, il serait faux de prétendre qu’une personne à qui l’on accorde une absolution conditionnelle s’en sort indemne après avoir commis une infraction. Elle est assujettie aux conditions de l’ordonnance de probation. Si les conditions sont respectées, elle aura mérité son absolution. À défaut, elle peut être ramenée devant le tribunal et condamnée pour l’infraction, et une condamnation sera enregistrée contre elle (59).
(38) 1998 CanLII 12722 (QC CA).
(45) Harbour c. R., préc., note 9, par. 60.
(50) Rozon c. R., préc., note 25, par. 69.
(51) R. c. Côté-Nault, 2020 QCCQ 1975 (CanLII), par. 33.
(53) Harbour c. R., préc., note 9 par. 78.
(54) R. c. Gravel, préc., note 8; Rozon c. R., préc., note 25; R. c. Laouar, 2015 QCCQ 14839 (CanLII); R c. H.T.N., 2006 QCCQ 7302 (CanLII); R. c. A.L., 2005 CanLII 35274 (QC CQ).
(55) R. v. Burke, 1996 CanLII 11083 (NL CA); R. v. Sorenson, 1994 CanLII 4677 (SK CA).
(56) R. c. Berish, 2011 QCCA 2288 (CanLII).
(58) Paragraphe 730(4) C.cr.; Harbour c. R., préc., note 9, par. 89.
(59) Regina v. Meneses, 1974 CanLII 1659 (ON CA), p. 117; Harbour c. R., préc., note 9, par. 90.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[102] PRONONCE une absolution conditionnelle accompagnée d’une ordonnance de probation de trois ans aux conditions suivantes :
Ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite;
Répondre aux convocations du tribunal;
Prévenir le tribunal ou l’agent de probation de ses changements d’adresse ou de nom et aviser rapidement de ses changements d’emploi ou d’occupation;
S’abstenir de communiquer, directement ou indirectement, avec L.L.B.(1995-[…]) et les membres de sa famille immédiate;
Ne pas être en présence physique de L.L.B. (1995-[…]);
Ne pas se trouver au domicile, lieu de travail ou lieu d’études de L.L.B.(1995-[…]);
Se présenter à un agent de probation dans les deux jours ouvrables suivant l’entrée en vigueur de l’ordonnance de probation, et par la suite, selon les modalités de temps et de forme fixées par l’agent de probation, et ce, pour une durée d’un an;
Poursuivre son cheminement psychologique pour la durée et selon les modalités déterminées par la psychologue avec l’accord de l’agent de probation;
Verser un don de 6 000 $, dans un délai de 32 mois, à raison d’un minimum de 2 000 $ par année, à l’organisme CALACS de Trois-Rivières, au greffe de la Cour;
[103] Sur le chef 1, ORDONNE à l’accusé de fournir le nombre d’échantillons de substances corporelles nécessaires à des fins d’analyse génétique dans un délai de trois mois;
[104] Sur le chef 1, ORDONNE à l’accusé de se conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels pour une période de 20 ans;
[105] Sur le chef 1, REND une ordonnance interdisant à l’accusé d’avoir en sa possession, pour une période de 10 ans, des armes à feu, arbalètes, armes à autorisation restreinte, munitions et substances explosives, et à perpétuité, pour des armes à feu prohibées, armes à feu à autorisation restreinte, armes prohibées, dispositifs prohibés et munitions prohibées;
Mon opinion ?
Décision très clémente. On ne peut tirer aucune autre conclusion, en revanche, clémente ne veut pas dire mauvaise. On ne peut faire un exemple de sévérité de tous les dossiers et chaque règle est confirmée par son exception.
Cela étant dit, plus spécifiquement, il s’agit d’une décision bien écrite, bien motivée et surtout bien appuyée juridiquement. Dans les concepts et les fondements juridiques, il n’y a pas d’erreur.
Il n’est pas non plus une erreur de ne pas donner de la détention même si c’est la ‘’règle’’ en matière d’agression sexuelle, il n’est pas non plus une erreur d’accorder une absolution. La preuve, que je n’ai pas entendue, semble soutenir le raisonnement du Tribunal qui d’ailleurs, n’est pas si exceptionnel lorsqu’on analyse la jurisprudence. Une recherche rapide m’a permis de retrouver facilement près d’une dizaine d’absolutions en matière d’agression sexuelle.
Cependant, si je pousse ma réflexion le don de 6000$ est inapproprié. Le juge Poliquin s’est, sous toutes réserves et avec égards, trop écarté des fourchettes permettant la dénonciation générale. Son objectif est louable et correct, mais pour se faire, je soumets respectueusement que l’absolution aurait dû être accompagnée d’une ordonnance d’effectuer des heures de travaux communautaires en alternative à la détention. De cette façon, l’objectif de réinsertion était tout de même rempli, on bonifiait la dénonciation nécessaire en pareille matière.
En terminant, il ne faut surtout pas voir cette décision comme une banalisation des infractions à caractère sexuel, mais plutôt comme un encouragement pour ceux présentant des problèmes à les traiter et devenir de meilleures personnes.
Humblement soumis.
[1] https://francisboucheravocat.ca/et-si-gilbert-rozon-etait-vraiment-non-coupable/;
[2] https://www.journaldemontreal.com/2022/07/05/un-jugement-revoltant; https://www.lapresse.ca/actualites/chroniques/2022-07-05/un-agresseur-de-bonne-moralite.php;
Publié le 7 juillet 2022 par Me Francis Boucher dans Accusation à caractère sexuel (pornographie juvénile, attouchement, agression sexuelle), Criminel et pénal.