Il était une fois, deux amis d’enfance, Michel et Bernard, pour qui les obligations professionnelles et personnelles avaient pris le dessus sur les loisirs ayant pour effets de restreindre considérablement les rencontres amicales. La seule occasion, ou presque, de se revoir et de passer du bon temps ensemble, était la traditionnelle expédition de chasse à l’automne. Tous deux allaient se rejoindre en forêt dans l’espoir d’abattre un orignal.

Cette année, Michel avait terminé plus tôt le travail, il s’est donc rendu au chalet le vendredi dans l’attente de Bernard, qui lui arriverait le lendemain avant-midi. Samedi matin, Michel a décidé, en attendant son partenaire, d’aller se promener dans les bois pour faire du repérage, mais quelle ne fut pas sa surprise de tomber face à face avec un orignal ! Il ne fit ni une ni deux et abattu la bête.

Quelques heures plus tard, Bernard arriva au chalet, apposa son coupon sur l’immense panache et aida son ami à sortir l’animal du bois. En fin de journée, nos deux comparses sont assis sur la galerie du camp, fiers de leur chasse, mais surtout ils ont le sentiment du devoir accompli qui va leur permettre de passer une belle semaine de vacances tranquille en forêt…

Du moins, c’est ce qu’ils croyaient jusqu’à la venue des agents de la faune pour leur signifier qu’ils seraient poursuivis en justice pour une panoplie d’infractions dont les conséquences sont plus qu’importantes…

Dans cette situation fictive, mais trop souvent vécue, Michel fera face à une infraction d’avoir tué du gros gibier au-delà de la quantité déterminée par règlement en vertu de la Loi sur la conservation et mise en valeur de la faune [1], d’avoir eu en sa possession du gros gibier tué en contravention à la Loi[2], et d’avoir fourni un renseignement, sachant qu’il est faux ou trompeur, à une personne pouvant le requérir lors de l’enregistrement de la bête[3]. Bernard fera face quant à lui aux deux dernières infractions, soit d’avoir possédé de la viande illégalement abattue et d’avoir fourni un faux renseignement.

 

Quelles sont les conséquences de ses infractions en cas de condamnation ?

Pour avoir tué un animal au-delà de la quantité permise, la sanction est une amende qui oscille entre 1825 $ et 5475 $[4]. Pour la possession de viande provenant d’un animal tué en contravention à la loi, l’amende est la même que pour l’avoir tué, donc entre 1825 $ et 5475 $[5] également. Quant à l’infraction d’avoir donné un faux renseignement, la pénalité est d’au moins 250 $ et d’au plus 750 $[6]. Au total, Michel fait donc face à une amende minimale de 3900 $ et Bernard, une amende 2075, montants auxquelles s’ajoutent évidemment des frais administratifs allant au-delà 1546 $, pour un total de 7521 $.

Cependant, les conséquences ne se limitent pas à des sommes pécuniaires, les condamnations d’avoir tué du gros gibier contravention de la Loi ou d’avoir possédé la viande de cet animal, entraine de plein droit l’annulation de tout certificat ou permis de chasse ou de piégeage d’un contrevenant avec l’interdiction d’en solliciter un pour une durée de 24 mois à compter de la date de la condamnation[7]. Cela implique donc qu’ils devront tous deux recommencer tout le processus afin de réobtenir les permis nécessaires à la chasse, incluant les cours.

Également, la condamnation entraîne évidemment la confiscation de la viande pour en être disposée selon la loi[8]. Mince consolation, généralement la viande est distribuée à des gens dans le besoin.

 

Qu’est qui entraîne une condamnation à de telles infractions ?

Les conséquences étant catastrophiques, amendes faramineuses, perte du droit de chasse et de la viande chassée, il est donc important de bien comprendre qu’est-ce qui est exigé pour abattre un orignal en conformité avec la Loi.

Tout d’abord, il faut posséder les permis requis, respecter les périodes allouées, les endroits permis et tous les autres règlements reliés à la chasse. Mais au-delà de tout cela, dans le cas qui nous occupe, de manière plus précise, pour se conformer à la Loi, il faut, aussitôt que l’orignal est mort, détacher de son permis de chasse le coupon de transport et l’y attacher. Ensuite, le jour même de la mort de l’animal, attacher à celui-ci le nombre supplémentaire de coupons de transport qui correspond à la limite de capture déterminée en vertu du Règlement sur la chasse[9][10]. En terminant, dernière obligation, et non la moindre, puisque c’est celle à laquelle nos amis ont contrevenu, la personne qui attache le coupon supplémentaire doit avoir participé à l’expédition de chasse pendant laquelle cet animal a été tué[11]. Nous comprenons donc qu’au sens légal, Bernard ne faisait pas partie de « l’expédition de chasse » pendant laquelle Michel a abattu l’orignal et c’est cela qui entraine les infractions ci-haut mentionnées.

Prenez note que certaines obligations s’ajoutent lorsqu’il s’agit d’une chasse dans une zone d’exploitation contrôlée (ZEC).

 

Qu’est-ce qu’une expédition de chasse

Pour bien comprendre cette notion, il faut s’attarder à l’intention du législateur lorsqu’il a imposé cette règlementation et celle-ci est claire, il faut deux chasseurs et non simplement deux coupons. Le législateur ne souhaite pas de chasseur de complaisance ou de prête-nom, il faut donc deux réels chasseurs pour tuer un orignal.

L’analyse de la situation doit se faire au jour de l’abattage et pour y arriver il faut, selon la jurisprudence[12], examiner trois éléments consécutifs, à savoir : une entente, des préparatifs et la réalisation du projet, soit le déplacement effectif vers la forêt. De ces critères se dégage un constat primordial, tous les membres de l’expédition doivent y prendre part réellement, c’est-à-dire être sur le lieu de chasse, et ce, avant l’abattage. De plus, la simple présence dans les environs de l’abattage n’est pas suffisante parce qu’il doit également y avoir une entente, mais surtout une participation aux préparatifs.

Au passage, le même membre d’une expédition ne peut abattre deux bêtes malgré que quatre personnes participent à l’expédition.

Le principe de base reste toujours le même, un orignal pour deux chasseurs, et non, un orignal pour deux permis ou encore moins deux orignaux pour quatre chasseurs.

En terminant, cet article se voulait une analyse sommaire des principes de base gouvernant la notion d’expédition de chasse et en aucun cas il ne peut s’agir d’une opinion juridique à un cas précis. Par contre, pour toute information particulière, n’hésitez pas à entrer en contact avec nous, il nous fera plaisir de répondre à vos questions.

 

 

 

[1] Article 34, Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune

[2] Article 71, Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune

[3] Article 171.4, Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune

[4] Article 167, Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune

[5] Article 167,Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune

[6] Article 171.4, Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune

[7] Article 172, Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune

[8] Article 168, Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune

[9] Article 19, Règlement sur les activités de chasse

[10] Règlement sur la chasse

[11] Certaines particularités s’appliquent aux secteurs de chasse contingentés ;

[12] 2011 QCCQ 4382